Une histoire simple, émouvante, vraie, une belle relation entre l'humain et l'animal

A l'origine, une adoption en deux temps



  • Septembre 2021 : une fin de séjour dans la maison du Lot se trouve, vers la fin, agrémentée par la visite inattendue d'une jeune chatte qui rode autour de la maison depuis 1 ou 2 jours. Son étrange pelage me fait même quelques instants douter que ce soit un chat (elle approchait dans les hautes herbes...)
  • Et puis soudain, alors que nous étions sur la terrasse en train de discuter, nous voyons, ma sœur et moi-même cette petite chatte, complètement affamée, arriver droit sur nous avec un miaulement sans équivoque : "J'ai faim, j'ai faim, j'ai faim !" (oui, ceux qui ont un animal de compagnie savent très bien comprendre le langage de celui-ci...)
  • Aussitôt, réquisition des croquettes destinées au chat de ma sœur, vite une gamelle d'eau, et un petit festin se déroule sous nos yeux, le joli spectacle d'un chat visiblement abandonné qui a enfin trouvé quelque chose à manger, et peut-être même un toit, qui sait ?

    Nous découvrons donc de près cette chatte (sa couleur dite "isabelle" ou "calicot" ne laisse planer quasiment aucun doute sur son sexe, les chats de 3 couleurs étant à peu près tous des chattes), au ventre creux, au coussinets un peu usés - il faut dire que la maison est assez loin de toute autre habitation, et que ce chat avait du parcourir un certain nombre de kilomètres, peut-être deux ou trois, avant d'arriver devant chez nous.

    Après ce bon repas, petit repos sur les genoux de Sophie, histoire de faire connaissance. Visiblement, elle n'a pas peur des humains, ell semble même assez câline. Comme il nous reste quelques jours avant de remonter sur Nantes, on achète un paquet de croquettes, et on nourrit donc cette petite chatte pendant deux ou trois jours, en se forçant à ne pas s'y attacher car nous avons très régulièrement la garde d'un chat de notre fils, à Nantes.

Lola écoutant du piano
Câlin sur les genoux de Sophie

Puis nous rentrons sur Nantes, en laissant le paquet de croquettes à une gentille voisine, qui lui distribuera le reste du paquet après notre départ.

  • Départ donc, chargement de la voiture, on ferme la maison, on ferme la barrière, on dit un gentil "Au revoir" au chat, et penauds, nous démarrons la voiture et partons, sans nous retourner.
  • A moins de 500 m du départ, silence pesant, quelques larmes, puis on se dit "Non, on ne peut pas avoir 2 chats à la maison, et d'abord, que dirait l'autre si on lui apporte un chat étranger ?

    Voyage sans histoire

    Semaine suivante sans histoire

    Lola devant la baie vitrée
    Je pose devant la baie vitrée
  • Octobre 2021 : étant à la retraite, j'ai donc toute liberté de mon emploi du temps, or le souvenir de cette petite chatte que l'on a laissée là-bas me hante un peu : je vais donc redescendre faire un peu de moto dans le Lot, ou autres promenades - les grosses excuses !
  • Voyage sans histoire, si ce n'est l'arrivée : cette petite chatte que nous avions laissée 10 jours avant m'attendait à l'endroit même où je l'avais laissée : sur le rebord de la fenêtre de notre maison. Stéphanie, notre voisine, lui avait organisé un petit matelas pour sa couche, et même une sorte de tente improvisée avec différents matériaux sur la table que l'on laisse dehors, afin que la petite chatte puisse s'y abriter en cas de pluie, ou peut-être la nuit.

    A peine descendu de voiture, la chatte saute de la fenêtre et vient vers moi avec un petit miaulement que je n'oublierai jamais : adoptée !

    Vite une photo que j'envoie à ma femme Sophie, suivie du coup de fil pour raconter cette adoption réciproque (après tout c'est bien ce chat qui a choisi sa maison, autant que nous qui avons choisi ce petit animal abandonné...) Et tout de suite Sophie me propose Lola comme nom à donner à cette chatte. Oui, bien sûr, Lola, superbe prénom, tellement adapté à l'époque au projectionniste que je suis au cinéma Jacques Demy, tellement adapté aux Nantais que nous sommes, et puis c'est un tellement joli prénom, oui, Lola, tu le porteras bien ce beau prénom...

    Et à partir de ce jour d'octobre, nous serons inséparables. Lola me suivra partout, s'adaptera à nos vies avec bonheur, discrétion, grâce et douceur, tout ce qu'une chatte est capable de donner. C'est cette vie que je vais donc raconter...

    Lola sur le muret de la maison
    Lola sur le muret de la maison

    Lola : une nouvelle vie

    Commençons par la première semaine, toujours dans le Lot

    J'aime bien cette petite maison de famille du Lot, et comme c'est relativement loin de notre habitation principale, j'ai pris pour habitude de ne pas rester moins d'une semaine, si le temps le permet. Ce début octobre 2021 est très doux, aussi Lola va donc pouvoir s'intégrer tranquillement à l'intérieur de la maison, elle qui connait bien depuis une quinzaine de jours le rebord de la fenêtre, et donc qui surveille la vie de ce petit village : les gens qui promènent leur chien, ou même leurs chiens, les quelques tracteurs, parfois un troupeau de vaches..

    Nous faisons donc tranquillement connaissance, Lola se montre rapidement très caline, lorsque je regarde un DVD parfois le soir, elle vient sur mes genoux, elle est propre (comme je pense tous les chats : on leur montre une fois leur caisse, et ils comprennent aussitôt), elle se montre rapidement douce, silencieuse et contemplative, avec le recul, je pense que c'est sa caractéristique première. Elle est capable de rester assez longtemps à regarder un paysage qui lui plait. Bien sûr, elle aime faire des siestes, elle mange bien (il faut dire qu'elle sort probablement d'une période assez affamée, à en juger par sa maigreur)

    Lola buvant dans un Medicis
    Lola sur le muret de la maison
    Repos sur le tricot en cours
    Lola sur le muret de la maison

    Une rapide adaptation

    Durant le voyage du retour (pour moi), et donc de l'arrivée dans la région nantaise, Lola fait donc le voyage dans une boîte de transport gentiment offerte par notre voisine. Je lui parle souvent, pour l'apaiser, il faut dire qu'il y a 6 heures de route, plus quelques pauses pour manger, essence, sieste...

    Heu-reuse...

    Une maison avec un plancher chauffant, un grand jardin, de la campagne en accès direct de la maison, je pense n'avoir rien oublié de décrire à Lola pendant ce voyage. Me comprend-elle ? Non, pas encore, mais sa capacité à comprendre assez rapidement certains mots sera vite un atout dans nos relations. Ceux qui n'ont pas d'animal ont déjà du quitter la lecture, mais ils perdent un aspect de la vie extrêmement intéressant, la relation humain/animal étant d'une richesse intense, assez enrichissante et avec des vertus déconcertantes

    Lola et Quezac
    Lola et Quezac

    Mais revenons à l'arrivée de Lola à la maison : tout d'abord, présentation à la chatte de notre fils que nous gardons depuis avant le Covid : aucun problème. Sophie retrouve donc avec joie Lola , qu'elle avait eue sur ses genoux une quinzaine de jours avant.

    La maison lui plait bien, les siestes se succèdent, elle apprend très vite les ficelles, les cachettes, les jeux, et puis rapidement on s'aperçoit qu'elle nous suit partout, s'intéresse à tout ce que l'on fait, que ce soit du jardinage, du bricolage, de la musique, de la couture, des puzzles...

    Avec Quezac, la chatte de notre fils en garde chez nous, les relations viendront progressivement (elles auraient pourtant des choses à se raconter, Quezac étant une petite chatte abandonnée dans une forêt du Lot, que notre fils avait recueillie quelques années auparavant...). Elles se tolèrent, se supportent, sans que ce soit la grande chaleur. Parfois, en fin de journée, on les retrouve en train de "jouer au loup", traversant la maison en courant, alternant au retour celle qui chasse l'autre. Parfois 3 ou 4 fois de suite, ce que l'on appelle le petit quart d'heure de folie quotidien des chats...

    Lola jouant avec un oiseau Lola jouant avec un lézard

    La nature est à portée de maison

    L'instinct de la chasse

    Bien sûr, la race féline n'est jamais très éloignée de la domesticité, et les occasions à la campagne ne manquent pas de "réveiller" l'instinct : oiseaux, rongeurs, et plus souvent de pauvres petits lézards qui sortent dès que le soleil luit...

    La liberté

    Le chat est un animal qui adore sa liberté. Cette liberté, alors qu'il est domestiqué, est une des valeurs essentielles que le chat nous apprend à connaître, à comprendre, à respecter, à apprécier. Car le chat ne vient sur les genoux que s'il en a envie, jamais sur commande. Par contre, au bout de quelques temps, un dialogue magique, une sorte de communication bi-latérale va s'instaurer entre nous : plus besoin de demander à manger, une certaine posture, devant sa gamelle, et un simple regard bien profond dans le mien, et nous nous sommes compris. Pour obtenir l'ouverture d'une porte, idem. Dans les deux sens, pour sortir comme pour rentrer. Et nous, c'est pareil, un mot, un regard, et Lola comprend, que l'on va au jardin, faire un petit tour, se coucher, ou apporter des choses sur le compost...

    Lola et la musique

    Depuis la retraite, j'ai repris le piano et y passe pas mal de temps. Lola, qui n'est jamais bien loin de moi, passe des heures entières assise sur le lit dans la chambre où se trouve le piano. Parfois elle s'endort, souvent elle écoute, toujours patiente, toujours calme et tranquille, c'est ma fidèle auditrice. Je me mets au ukulele ? Pas de problème, elle aime aussi (ce qui n'est pas le cas de toute la maisonnée !)

    Lola musicienne
    Lola musicienne
    Lola écoutant du piano
    Derrière le piano

    L'un des grands mystères des relations homme/animal, à mon avis, c'est le regard. Qui n'a jamais regardé son chat, son chien, son cheval sans se demander ce qui peut bien se passer dans la tête de l'animal ? La profondeur du regard, la fixité de celui-ci, la durée parfois, c'est assez troublant et extraordinaire à la fois. Précisément parce que si nous, nous fixons bien dans les yeux, l'animal aussi, lui, sait et comprend que tout se passe par le regard, les yeux dans les yeux. Que se passe-t-il dans sa tête ? Dans la mesure où l'animal rêve, fait parfois des cauchemars, a-t-il cette conscience de la pensée, de l'échange peut-être simple, mais combien émouvant qu'un regard peut concrétiser ? Eternel mystère que chacun accomode à sa façon.

    Et puis il n'y a pas que le regard, il y a bien sûr toute cette vie que Lola va se construire, par petite touche, avec nous. Une vie faite de petites habitudes, de petite routines, de siestes et de nuits partagées (quasiment toutes les nuits, Lola vient se coucher sur nos pieds, probablement un échange thermique pendant l'hiver, et puis l'été suivant, par habitude et confort. Ou bien aussi probablement tout simplement par affection.

    Parmi les nombreuses petites habitudes que Lola va prendre tranquillement, il en est une que j'ai toujours trouvée assez touchante : chaque matin, lorsque je prenais ma douche (une cabine avec une porte vitrée), Lola venait se poster devant cette porte, sur son derrière, et attendait, me regardant, écoutant les jets d'eau sur les parois. Parfois, l'été, lorsque je sortais de la douche, elle buvait quelque gouttes... Et puis une autre habitude prise tranquillement au fil du temps : il m'arrive de temps à autre d'aller uriner sur le compost. Economie de chasse d'eau, et activateur naturel du compost. Et bien comme Lola me suivait partout, et que le compost terminé se transforme en une sorte de terre, il y a toujours un tas de cette nouvelle terre à coté du compost. Ceux qui ont des chats connaissent leur recherche de terre fraiche pour faire leurs besoins. Bien sûr pas de photo de ces souvenirs, mais quelles scènes amusantes et complices que de nous voir uriner côte à côte...

    Sieste dans l'escalier
    Sieste dans le jardin
    Sieste sur le muret
    Sieste sur le muret

    Une vie calme, remplie de nombreuses siestes

    La pose, pendant la pause

    Les chats aiment dormir. Lola aussi, disons qu'elle ne fait pas trop d'exercise, préférant de bonnes siestes à aller gambader dans le jardin ou les champs alentours. Son ventre s'en ressentira d'ailleurs à une période, mais comme j'aimais répéter "il faut bien la nourrir, elle a connu la faim !". La recherche du confort est une quête perpétuelle chez cet animal, et l'on retrouvera donc régulièrement Lola dormant sur des coussins, bien installée dans un fauteuil, sur le plancher chauffant l'hiver, sur la dalle d'ardoise chauffée par le soleil (voir la photo à coté), ou tout simplement dans un coin agréable du jardin, et bien sûr très souvent sur notre lit, en jolie boule, le nez dans sa queue.

     L'agilité féline...
    L'agilité féline...
    Sieste sur le muret
    Sieste caméléone dans le Lot
    Sieste sur le muret
    Câlin de Sophie

    Retour dans le Lot

    Des retours aux sources réguliers

    Dès le printemps 2022, nous sommes retournés avec Lola dans la maison du Lot. Elle a tout de suite reconnu, repris ses marques, ses habitudes, les longues surveillances des poules du voisin, et puis, petit à petit, elle a commencé à venir se promener avec nous, comme un petit chien. Comme cela ne posait pas de problème, nous sommes donc retournés plusieurs fois à trois, et également tous les deux, Sophie ayant des activités associatives. Lorsqu'on me demandait si je descendais seul, je disais toujours "Non, je descends avec ma Lola". Elle aimait ces balades journalières, elle attendait le mot du départ "On va se promener, Lola ?" et hop, elle arrivait vers moi, la queue en l'air, ravie d'aller faire une promenade ensemble (la journée, elle ne se privait pas d'aller se promener ou chasser).

    En écrivant ce texte, le lecteur aura remarqué que le temps a changé, le récit de Lola a démarré au présent, et puis le passé est arrivé au fur et à mesure que, les yeux humides, le récit approchait de la fin.

    En effet, lors du dernier séjour dans le Lot, début novembre 2025, Lola a été écrasée devant la maison par une voiture. J'étais parti faire une balade en moto, et lorsque je suis rentré, j'ai aperçu le corps de Lola sur le bord de la route, immobile, la tête dans une mare de sang. Elle n'a pas eu le temps de souffrir, elle est morte sur le coup, elle était encore chaude, je l'ai caressée, Stéphanie qui sortait ses chiens à ce moment là est venue me soutenir. J'avais déjà perdu un animal dans ma vie, mais la perte de Lola est une immense tristesse pour moi comme pour Sophie, nous étions très attachés à cette chatte charmante, elle n'avait que 4 ans et nous pensions partager notre vie avec elle encore longtemps. La vie en a décidé autrement : il faisait beau ce dimanche après-midi, il ne passait quasiment personne sur ce chemin, sauf quelques chasseurs pressés, avec de puissants 4X4, probablement, on ne saura jamais, en tout cas aucune trace de frein, et le corps de Lola à plus de 3 m de l'impact ensanglanté, bien sûr pas un mot, pas un message. Les rares voitures qui passaient lors de nos promenades ralentissaient toujours, souriant et souvent commentant les balades d'un chat accompagnant son ou ses maitres... Et puis Lola était, par sa robe originale, très visible. Et pas trace d'un coup de frein...

    C'est un véritable deuil que nous vivons, personnellement, je n'ai jamais connu un tel état, une sorte de déprime, peut-être de dépression, je ne sais pas. Tout, depuis ce 9 novembre, me ramène à cette gentille chatte, tous ses petits coins qu'elle aimait bien, ses habitudes que nous partagions tranquillement, peut-être est-ce l'âge, la retraite, les enfants partis (depuis assez longtemps) qui nous ont fait nous attacher à cet animal ? Il y a peu, un ami nous avait prêté le livre "Son odeur après la pluie", le roman de Cédric Sapin-Defour, livre fort qui ferait aimer un chien à n'importe qui je crois. Cette lecture, ainsi qu'une BD "Jim" de François Schuiten, empruntée à la médiathèque locale, nous avait touchée. Mais jamais on n'avait imaginé cette disparition brutale comme une éventualité. Lola, tu nous manques.