La cerise sur le gâteau : du 16 au 35 mm
Depuis plusieurs années maintenant (2009), je suis entré comme projectionniste bénévole dans une association qui s'occupe de faire tourner un cinéma dans une petite ville près de Nantes. J'ai donc eu la chance de projeter du vrai de vrai cinéma, en 35 mm, sur un matériel très professionnel (Victoria V de Cinémécanicca) avec son Dolby SR et DTS, le top de ce qui se fait aujourd'hui en son...
Bien sûr, depuis 2012, nous projetons surtout en numérique, la salle étant très bien équipé d'un Christie très moderne, offrant ainsi la qualité et la souplesse du cinéma numérique. Heureusement, il reste encore quelques films en 35 mm, souvent pour les séances "enfants", et là, c'est à peu près toujours moi qui m'y colle... C'est pour moi un plaisir inespéré, une chance que d'avoir fréquenté d'abord comme spectateur régulier, puis d'être entré dans cette assoc. Ce cinéma s'appelle "cinéma Jacques DEMY" (mon beau-père était à l'école avec lui, à Nantes), et il se trouve à La Chapelle Basse-Mer (renommé récemment Divatte sur Loire), la salle est superbe, la programmation très bonne, récente, c'est un réel plaisir que d'aller au cinéma dans de telles conditions...
https://www.cinema-la-chapelle-basse-mer.fr
Mon rôle dans l'asso
Entré début 2009 dans ce cinéma, c'est bien évidemment par la projection que j'ai commencé. Du 35 mm d'abord, puis le numérique en 2012. Très rapidement, je rentre dans le bureau qui gère l'asso. C'est ainsi que je m'occupe alors du lien avec les projectionnistes, puis fais partie de la commission d'étude pour le passage au numérique.
Ayant quelque compétence en web, je reprends alors la programmation du site du cinéma en php, qui avait été démarrée par un étudiant bénévole parti de l'asso. J'avais levé la main un peu tôt : je ne connaissais pas ce langage (et ceux qui lui sont liés comme MySql, CSS, Javascript). Pas de problème, je l'étudie relativement rapidement, y prend même un certain goût, et en profite pour améliorer grandement le site (à l'origine, il n'y avait qu'une liste de films avec les horaires).
J'y ajoute donc tout un intranet avec un "trombinoscope", ce qui est pratique pour une asso, afin que chaque nouveau à la fois puisse prendre connaissance des visages, noms et prénoms de chacun, et également être connu des autres membres... Puis un calendrier, puis un système d'abonnement par email pour recevoir le programme, puis des pages d'archives de toutes les actions que l'on fait, puis je crée une grande page d'archives à partir des archives papier gardées depuis le début du siècle dernier. Tout ceci est encore en ligne
ici.
Parallèlement, je réalise régulièrement, dès qu'il y a un besoin (mairie, théâtre, spectacles divers) des DCP (films au format numérique cinéma) que l'on passe avec les bandes-annonces.
Projectionniste moderne...
Et puis, vers 2016, la personne qui s'occupait de la réception des films au niveau informatique quitte l'asso. Je décide donc de reprendre le flambeau, et m'occupe donc de la totalité de la préparation des séances (bandes-annonces, kdm, films, playlists, contrôles et transferts de fichiers).
Modernité oblige, on peut faire à peu près tout de chez soi, sur une tablette ou un téléphone...
Je prépare donc le travail à toute l'équipe des projectionnistes (environ 12 personnes), et c'est aussi plus simple à gérer tout seul (on avait essayé par équipe, mais de nombreuses erreurs entrainaient soit des retards de séances, soit même parfois des annulations (pas de kdm reçue = séance annulée).
Bien sûr, je suis évidemment le référent "projection" et assure ainsi les "dépannages à distance" les plus fréquents (on peut facilement prendre la main sur les machines à partir de son téléphone, de n'importe où).
Ce ne sont pas uniquement ces dépannages à distance que j'effectue, il y a aussi une certaine disponibilité de ma part qui fait que j'effectue également au pied levé les quelques "oublis" des bénévoles, on m'appelle dès qu'un projectionniste n'est pas à son poste. J'aime bien ça, ce n'est pas fréquent, mais s'entre-aider, ça fait aussi partie de la vie associative !
De temps à autre, le projecteur 35 mm revit ...
Si je me suis bien mis au numérique, j'aime beaucoup faire tourner le 35 mm dès que l'occasion se présente. A l'époque du passage au numérique, j'avais insisté pour ne pas le démonter : nous étions ainsi l'un des rares cinémas de Loire-Atlantique encore équipé, branché (tous les sons passent, qu'ils soient en optique, en Dolby SR ou SRD, en DTS). Glanant régulièrement les brocantes et vide-greniers, je me suis ainsi constitué une petite collection des bandes-annonces et surtout de vieilles pub, je devrais même dire "réclames" tant certaines sont anciennes et désuètes aujourd'hui (il y en a des années 50, en couleurs, assez pittoresques à regarder, je pense à des pubs Radiola pour des postes à lampes, une pub pour Pierrot Gourmand magnifique où une femme se maquille le visage tout en blanc, garde son fichu noir sur la tête, puis se met du rose sur les joues, et un fondu enchainé la mute en célèbre céramique).
A chaque projection de ces films, la même extase pour ceux qui étaient soit dans la salle, soit dans la cabine. Nostalgie ou simple curiosité pour les anciens, conscience de connaître quelque chose qui sera de plus en plus rare chez les jeunes (des jeunes qui font des écoles de cinéma et qui parfois viennent soit tourner un court-métrage, soit visionner sur grand écran leur court-métrage sont sont bluffés quand je leur mets le 35 mm en route...
Et puis bien sûr, toujours le même plaisir à projeter, je ne suis pas le dernier à me proposer pour les séances, qu'elles soient au programme ou hors programme (les séances pour écoles, foyers, maisons de retraite, pour la mairie, d'autres asso, le théâtre qui partage le même local que nous : Pierre, toujours prêt à venir projeter !). La vie de cette asso, de ce cinéma, de cette cabine est devenue petit à petit une partie de ma vie (je suis maintenant à la retraite), ma femme et moi-même sommes venus tranquillement nous installer dans ce bourg, on y a retapé une maison, il fait bon y vivre.
Fin de l'histoire
Malheureusement, cette belle retraite cinéphile agréablement occupée vient de prendre fin récemment, ayant été poussé à la démission par la majorité du bureau qui s'obstinait à ne pas vouloir écouter des demandes (grosso modo ça portait sur les séances du dimanche après-midi des mois où le soleil brille, et des difficultés que j'avais à remplir ces horaires de séances, les projectionnistes ayant, comme tout un chacun, d'autres activités estivales et dominicales, je devais souvent m'y coller !)
La nature humaine est parfois surprenante
Ce petit conflit s'est tranquillement envenimé, j'ai pourtant tout essayé d'expliquer, par oral, par écrit (comme vous pouvez le constater, je suis bavard à l'écrit !), je me suis retiré du bureau, puis rien n'a changé. Alors j'ai démissionné une première fois, fin janvier 2023 : une réunion de crise m'a fait revenir sur ma décision : le cinéma était en péril à cause de la partie projection que je gérais tranquillement, et de plusieurs projectionnistes qui démissionnaient également, par solidarité.
Je me suis engagé dans une formation un peu plus musclée que j'ai faite auprès d'un groupe de projectionnistes volontaires. Très sympa, cette formation, j'ai établi une procédure en format pdf, ne masquant rien, j'ai fait des réunions à la maison, bref, de l'associatif comme je le conçois.
Les morceaux commençaient à se recoller (il faut dire que l'annonce de ma démission, qui avait été masquée longtemps au plus grand nombre des membres de l'asso - probablement pour éviter que l'idée de supprimer 2 ou 3 séances (inutiles) dans l'année ne se répande - avait créé un grand étonnement pour ceux qui me connaissaient de près). Pourtant, à ce moment-là, plusieurs membres du bureau se sont ligués pour envoyer aux projectionnistes un questionnaire concernant la possibilité d'étendre au mois de juin les séances du dimanche après-midi ! Véritable provocation, car ça faisait alors un an que je demandais d'annuler les séances du dimanche après-midi du mois de mai (on n'en fait plus depuis longtemps en juin et juillet) pour régler le problème d'absentéisme, au passage y compris celui des spectateurs !
Aussitôt un membre du bureau, projectionniste également, envoyait un email d'alerte à tout le bureau, précisant qu'un tel questionnaire allait remettre de l'huile sur le feu :
personne ne l'a écouté, le mail est parti, exactement comme on lance à la pétanque une boule pour en dégager une autre...
Bien visé : ceci entraina ma démission.
The end
Je ne comprendrai jamais ce qui a pu pousser des personnes à envoyer ce mail en plein cœur, à n'avoir pas écouté le mail d'alerte qui tentait de raisonner en prévenant du risque flagrant qu'il comportait. Une gestion collégiale vraiment mal pratiquée...
Bien sûr, pas d'excuse, pas de remerciements, pas la moindre réaction à ma démission, pas un coup de fil... Ah, il faut les voir ces regards fuyants lorsqu'il m'arrive de croiser ces personnes aujourd'hui. Personnellement, j'ai ma conscience avec moi, je peux croiser quiconque dans la vie sans avoir à rougir de mes actions ou prises de position, cela fait partie de ma philosophie de vie.
A partir de là, j'entends des ragots, des fausses raisons : la plus retenue est celle de Pierre qui est en burn-out, qui en faisait trop. Evidemment, une démission de quelqu'un d'aussi passionné ne peut venir que de la personne elle-même, il ne faudrait pas que l'on pense avoir agi pour provoquer sa démission... Ben voyons.
Mais pas du tout, jamais je ne me suis plaint, je disais oui à tout, et j'aimais ça, n'est-ce pas le propre d'un bénévole que de faire ce qu'il veut bien ?
Pendant toutes ces années passées au bureau, où j'assurais principalement le lien avec les projectionnistes, je faisais tranquillement mon travail à la fois de lien et de préparation des séances. J'assurais bien sûr la maintenance, qu'elle soit physique ou informatique. Des choses qui ne se voient pas, et qui ont fait dire à des personnes du bureau que je ne participais pas vraiment activement à ces réunions : quand on me demandais "Pierre, au niveau des projectionnistes ?". Pas de problème. Je gérais beaucoup de choses, tranquillement, ce fut mon deuxième "métier" pendant longtemps, c'était ma principale occupation de retraité.
Jamais je n'aurais cru un tel mépris du bureau de ce cinéma envers moi. Ceux qui me connaissent savent ma vraie nature, et d'ailleurs de très nombreux liens tissés pendant ces années perdurent encore, heureusement, les contacts restent nombreux, les diners chez les uns ou les autres continuent, avec tout le plaisir partagé de se revoir !
Il est tristement comique de voir comment des personnes sont capables en de telles circonstances d'essayer de retourner la situation : je me vois ainsi désigné comme celui qui veut détruire le cinéma du village ! Un comble, qui ne dupera aucun de ceux qui me connaissent depuis tout ce temps, qui savent la passion que j'ai dans la technique de projection, l'informatique et dans l'associatif !
J'ai donc organisé à la maison un pot de départ auquel à peu près tous les projectionnistes se sont joints : une belle soirée, ils m'ont gâté, j'étais ému de toutes ces marques de sympathie, de la bonne ambiance, Sophie nous avait préparé des bons petits plats, c'était sympa et émouvant pour tous.
Mais quel gâchis ce mail sournois a provoqué ! Pas une réponse positive, 10 refus et deux démissions, énormément de frustration, de discorde et de rancœur, une nouvelle chape de plomb pour tenter d'étouffer les causes de ces démissions...
Tout ça pour contenter quelques personnes obstinées dans leurs convictions, incapables de la moindre analyse, et surtout inconscientes des dégâts qu'elles causent : cela fait quand même 3 projectionnistes extrêmement impliqués qui démissionnent dans l'année (16 ans, 16 ans et 14 ans d'ancienneté), le tout sans le moindre remerciement. Bravo l'esprit associatif !
Pierre, septembre 2023.
Epilogue
J'ai quand même voulu quantifier, faire une sorte de bilan de tout cela, connaitre le nombre de places qui auraient été perdues si le vote avait été fait lors de l'AG de 2022 - ah, oui, j'ai oublié de vous dire, un vote a été (enfin !) décidé et effectué à l'AG 2023 concernant les dimanches du mois de mai : ils sont abandonnés (tout ça pour ça !).
Voici le résultat, qu'il a fallut demander plusieurs fois : 5 spectateurs à une séance, et 15 à un autre dimanche après-midi. Soit 20 entrées (il n'y avait que 2 dimanches AM cette année). 20 entrées gagnées par le cinéma, mais qui ont fait perdre 2 projectionnistes et surtout qui ont créé des tensions qui seront longues à apaiser. Bravo la capacité d'appréciation, bravo la mesure bien pondérée. N'avoir pas su lâcher un peu de lest que ce soit en acceptant parfois un film que je demandais à passer ("Tu iras le voir ailleurs !!!", dit le plus sèchement du monde) et surtout en n'écoutant pas ma demande concernant les dimanches après-midi a complètement gâché toute une ambiance plutôt sympa, toute une mécanique bien huilée comme je les aime (au propre comme au figuré).
Et bien sûr aucune remise en cause, on continue à pratiquer la technique "chape de plomb", pas un mot sur tout ça lors de la dernière AG, toujours pas de merci ce qui parait incroyable dans le monde associatif. Car bien sûr, je ne me gêne pas pour le dire haut et fort, à tous les bénévoles que je croise et à qui on a voulu taire ceci, à tous les amis, les membres d'asso que je côtoie maintenant, et franchement, tout le monde est écœuré d'apprendre qu'avec tout ce que j'ai pu donner au cinéma, je n'ai pas eu le moindre remerciement.
La honte complète.
Et sans limite : alors que je suis retourné quelques fois au cinéma, la dernière fois j'ai eu droit, devant pas moins de 5 bénévoles témoins tous effarés d'une telle attitude, à un évitement total en tournant carrément la tête à 180 degrés en passant devant moi, alors que je discutais tranquillement avec la bénévole qui vérifiait les billets. Pour ceux qui connaissent les lieux, cette personne, avec qui j'ai été membre du bureau pendant 12 ans, a donc préféré admirer la porte des toilettes plutôt que de me dire bonjour. Je l'écrivais un peu plus haut : je n'ai à baisser la tête devant personne, dans la vie. Ce n'est pas le cas de toutes et tous...
Pierre, décembre 2023.